Les vraies questions

Manger ou gober ? 
Culture industrielle de spiruline à Hawaï. Chaque bassin mesure 1 hectare.

« Nous disons bien un aliment car ce microorganisme complexe est récolté dans son intégrité, et peut être consommé tel quel après séchage ; il ne s’agit donc pas d’un complément au sens classique du terme. » Jean Dupire, la spiruline : un superaliment.


Un aliment appartient au monde agricole : il est produit par des paysans qui peuplent et entretiennent les campagnes, dessinent les paysages et accueillent de plus en plus les fatigués de Babylone. 

Un complément alimentaire n’est pas élaboré dans le même monde même si les substances extraites sont d’origine naturelle. Nous voici dans le monde des profits et des brevets privés, des grandes firmes et des humains oppressés pour toujours plus de rentabilité.

C’est pourquoi nous préférons la forme de paillettes ou de poudre qui appartiennent à l’alimentation et qui trouvent facilement leur place sur nos tables.

Label or not label ?


Les cultures : industrielles lointaines ou paysannes locales ?

Environ 90 % de la spiruline mondiale est issue de grandes cultures industrielles.

Sachez qu’une seule unité chinoise produit à elle seule 40 % de la production mondiale.

Nos modes de cultures et de récoltes sont très différents : vous pouvez voir de plus près notre fonctionnement dans la rubrique « nos cultures ».

Les paillettes sont une bonne garantie : elles sont élaborées uniquement en système artisanal.



LA SPIRULINE BIO EN FRANCE, C’EST POUR BIENTÔT ?

Vous avez remarqué que la spiruline de votre producteur local n’a pas de logo « bio »…
Et pourtant vous trouvez des spirulines estampillées « bio » dans de nombreux magasins ?

Mais qu’est-ce que le « bio » ?
- C’est produire des aliments sans utiliser de produits de synthèse (engrais ou pesticides), ni pour les faire croître, ni pour les soigner. Tout vient directement de la nature.
- C’est aussi répondre à un cahier des charges, utiliser les règles de l’agriculture biologique et le faire vérifier par une société dénommée « organisme certificateur ».

Y a-t-il « bio » et « bio » ?
- Il existe plusieurs types de cahiers des charges. Certains sont officiels car reconnus par l’Europe, en attestent les logos « AB » ou « feuille européenne » ; leur contenu est public et validé par les institutions. De très nombreux autres sont privés, leur contenu est parfois connu, parfois tenu secret.
- Ne confondez pas la certification Bio et la société qui certifie : « AB » signifie que le produit est bio, « Naturland » ou « Ecocert » sont des organismes certificateurs, pour ne citer qu’eux (il en existe 8 en France, et de très nombreux à l’étranger).

DANS TOUS LES CAS : un logo ou une mention « bio » n’est pas un critère de qualité, mais atteste de la manière dont l’aliment a été produit. Il existe de très bons produits « bio », comme de moins bons ; il existe de très bons produits « non bio », comme de moins bons !

Pour cultiver de la spiruline vraiment « bio »… Il faut la « nourrir » avec les minéraux qui lui sont indispensables et qui proviennent de la nature : soit par extraction minière, soit par fermentation de matière organiques végétales. Car la spiruline ne se nourrir qu’avec des minéraux dissous dans l’eau où elle vit.

Important : la culture de spiruline ne nécessite par nature l’emploi d’aucun pesticide.

Un premier pas avorté vers le bio made in France
En 2014 et après des années d’essais, la création en France d’unités capables de produire des minéraux compatibles avec la culture biologique a permis de mettre le bio à portée de tous les spiruliniers. La Fédération des Spiruliniers de France avait déposé un cahier des charges « spiruline biologique » en Mai 2015 à l’INAO. Sa validation n’est plus possible car la spiruline a été classée en « algue marine » par l’Europe. Ce classement permet l’importation de spirulines produites hors Europe, avec un label bio AB ou/et feuille Européenne grâce aux « équivalences ».

Vers un cahier des charges « spiruline biologique » reconnu par l’Europe ? : Extrait du texte du CESE qui commente le sujet dans son rapport sur les labels bio
"En théorie, le logo européen (feuille) offre les mêmes garanties (absence de pesticide, attention au bien être animal…) que le label AB français. Dans le détail, les viandes et légumes bios venus de pays hors UE, peuvent bénéficier d’une équivalence. " La Commission européenne estime alors que les contrôles des pays d’origine suffisent. Ce qui est loin d’être satisfaisant. On a notamment vu que la spiruline bio venue de pays tiers pouvait poser des problèmes sanitaires", pointe le co-rapporteur du CESE

Le positionnement des petits producteurs de spiruline
Les Spiruliniers de France souhaiteraient un label bio local et équitable alors que les industriels Français sont prêts à se lancer dans le « bio à n’importe quel prix ».

Nous, producteurs, persévérons et travaillons à la reconnaissance de notre cahier des charges mis au point durant de nombreuses années, et correspondant véritablement à ce que doit être, techniquement et éthiquement, une spiruline biologique.

Les Spiruliniers de France "n’adhérent pas" au cahier des charges "ALGUES MARINES" en l’état et qui leur est imposé par l’Europe pour la culture biologique : ce cahier des charges bio "européen" est tout sauf écologique - c’est la théorie du bio sans les garanties pour la planète et le consommateur. En effet , il impose l’apport de matières organiques dans les milieux de culture ce qui amène à changer les milieux très fréquemment soit dix fois plus d’eau consommée et surtout rejetée avec des effluents chargés à retraiter. Point d’achoppement écologique incontournable que nous mettons en avant depuis mai 2015 auprès des instances du bio avec la FNAB.

Les Spiruliniers de France revendiquent aussi le statut "Cyanobactérie" et non celui d’"Algue marine" avec les spécificités de milieux et de techniques de cultures qui sont celles des petites fermes paysannes bien différentes des modalités industrielles. Nous avons demandé des règles détaillées pour la spiruline qui sont dans l’attente de réponses des autorités.
Nous continuons donc notre chemin pour un label bio "cohérent".
Soutenez nos démarches, nos actions : nous sommes sur la bonne voie !

Pour mémoire les 3 voies actuelles vers les labels ou mentions sont :
- Cahier des Charges européen « Algues marines » : certification AB ou feuille européenne
- Cahier des Charges privé : contrôle permettant d’apposer une mention Ecologique « Ecocert »
- Cahier des Charges privé : contrôle permettant d’apposer une mention « Nature et Progrès », ce cahier est en cours de validation.


Le Chant de l'eau et les spiruliniers de France 

Notre quotidien de cultivateurs de spiruline s'agrémente d'une implication forte dans la nouvelle structure nationale des Spiruliniers de France. Depuis l'automne 2009 nous sommes organisés avec d'autres cultivateurs aux éthiques similaires pour mettre notre spiruline artisanale à sa juste place dans l'agriculture de qualité et la faire reconnaitre comme un aliment à part entière. Nous souhaitons défendre les intérêts des spiruliniers français face aux cultures industrielles et aux importations massives, et soutenir le développement de la spiruline dans les pays en voie de développement, pour avancer sur le chemin d'une souveraineté alimentaire et d'une alimentation saine et équilibrée.

Créés en 2010, nos objectifs sont :

  • Faire reconnaître la spiruline comme un aliment produit par des paysans
  • Favoriser une juste répartition de fermes à échelle humaine sur le territoire
  • Élaborer une charte de qualité officielle des spirulines françaises
  • Créer un réseau d'entraide
  • Se fédérer pour financer des recherches
  • Développer la culture de la spiruline dans les pays en voie de développement pour avancer sur le chemin d'une souveraineté alimentaire
  • Quand vous mangez de la spiruline française vous partagez avec nous une idée responsable du développement des spiruliniers et de leurs valeurs.



Paroles de spirulinier 

Texte lu à la 2ème Journée Nationale de la Spiruline (Drôme - octobre 2010): 

A l'heure ou les compléments alimentaires abondent, engraissent les grandes firmes et font oublier à tout un chacun le bon sens d'une alimentation simple, saine et équilibrée, la spiruline est ballottée entre des valeurs paysannes et des intérêts financiers gigantesques.

Pour moi, spirulinier français, la spiruline est un aliment aux vertus nutritionnelles inégalées : sous forme de paillettes, à introduire au quotidien sur la table et saupoudrer sur l'assiette.

Je cultive la spiruline au cœur des Pyrénées Orientales depuis 2004. Technicien agricole-environnement de formation, je cherchais depuis longtemps un projet rassemblant mes valeurs fondamentales : vivre en milieu rural au sein d'une nature forte et préservée, travailler avec du vivant et apporter à l'humanité qui m'entoure du mieux être.
Nous sommes deux associés depuis 2008 dans cette ferme à taille humaine ou nous avons fait le choix de privilégier la qualité à la quantité. Chaque jour nous sommes aux petits soins de ces milliards de spirales vertes.
Une culture de spiruline, c'est une surveillance de chaque instant, comme le lait sur le feu !


Notre culture est réalisée sans aucun fongicide, herbicide, ni insecticide.
La récolte se fait par filtration, pressage puis extrusion afin de ne pas briser les spirulines. Ainsi nous limitons au maximum toute oxydation et altération du produit.

Le séchage est réalisé chaque jour dans un séchoir solaire pour répondre à nos valeurs d'économie d'énergie et de qualité du produit. La température inférieure à 40°C garantie une conservation maximale des molécules fragiles type vitamines, enzymes, et pigments.

Nous proposons une spiruline pure sans conservateur ni agglomérant.
80 % de notre production est écoulée en vente directe, par correspondance et à la ferme. Le bouche à oreille est notre seul outil de communication. Les 20 % restants sont disponibles en boutiques locales : biocoop et épiceries de campagne.

Mes objectifs de départ sont alors atteints : une ferme à taille humaine qui propose un aliment sain et qui créée de l'emploi. Une ferme qui n'est pas à la merci des firmes de distribution/achat-revente, qui depuis 50 ans coulent l'agriculture.


Le hic dans mon système ? Accepter un revenu de paysan : un petit SMIC pour un gros plein temps aux nombreuses responsabilités. Certes, mais quel plaisir, quel épanouissement que de se réaliser chaque jour dans son propre projet…


Ce type d'agriculture à taille humaine est reproductible quelque soit la production, et c'est d'ailleurs ce qui s'est passé ces dernières années en spiruline.


L'évolution exponentielle des cultivateurs français de spiruline 

Cultiver la spiruline en France en 2004 était très marginal : 4 fermes au total ! Nos petites cultures artisanales de 300 m² de bassins se noyaient dans un marché de spiruline lointaines et essentiellement industrielles. Certaines unités pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers de m². Nous sommes alors dans un autre monde…
Nous nous démarquions alors des poudres, comprimés, gélules etc.… avec nos paillettes 100 % spiruline, d'une qualité gustative et nutritionnelle excellente.

En 2010 on peut estimer être une centaine en France à couvrir environ 5 % de la consommation nationale.


De la paysannerie au business agricole 


Mais depuis peu un nouveau paysage de cultivateurs se dessine :

- des exploitants agricoles dans des « systèmes intégrés ». C'est-à-dire qu'ils reçoivent d'une société mère des souches de spiruline brevetée hors de prix, et pour nourrir la culture, des nutriments dont la composition est secrète. Ces agriculteurs sont ensuite tenus de fournir un pourcentage de leur production à ces sociétés d'affaires surfant sur les divers marchés juteux du moment. La « production en intégration » est fréquente en agriculture pour ce qui est des élevages en batterie de volailles, porcs… Les agriculteurs sont alors pieds et poings liés à la société mère : ils ont perdus toutes formes d'autonomie. Comment l'agriculture peut-elle évoluer quand ce sont les profits de grosses firmes qui décident, que les agriculteurs et leur terre ne sont que des ouvriers et que les animaux et les plantes ne sont que de la valeur marchande ?

Dans ce type de système la spiruline est alors considérée comme un complément alimentaire miracle, parfois enrichi, parfois appauvri, vendu sous forme de plus en plus pharmaceutique, et de plus en plus chère…


- des exploitants agricoles qui pratiquent en réalité plus la revente que la production : en effet, de nos jours l'image fermière est vendeuse… alors même en directe à la ferme faites vous bien précisez par le producteur l'authenticité de sa production.



2010 : La fédération des spiruliniers de France a vu le jour cette année et regroupe une soixantaine de spiruliniers.

C'est dans ce contexte que nous nous sommes organisés avec d'autres cultivateurs aux éthiques similaires.
Nous nous considérons comme paysans répondant à notre fonction première : nourrir.
Nous ne proposons pas un produit miracle mais un aliment de grande qualité. Nous produisons local pour une consommation locale.


Lors de la constitution nous avons déclaré : « Nous, Fédération des Spiruliniers de France, souhaitons garantir à notre spiruline sa juste place dans l'agriculture de qualité et la faire reconnaître comme un aliment à part entière. Nous souhaitons défendre les intérêts des spiruliniers français face aux cultures industrielles et aux importations massives. Enfin nous souhaitons soutenir le développement de la spiruline dans les pays en voie de développement, pour avancer sur le chemin d'une souveraineté alimentaire et d'une alimentation saine et équilibrée. »


Nos fermes sont à échelle humaine : l'idée étant de préférer plusieurs fermes répartie dans l'espace pour garder une dynamique économique et sociale en milieu rural. N'oublions pas qu'une ferme disparaît toutes les 3 minutes en Europe et qu'à la place nos campagnes voient prospérer des complexes agro-alimentaires gérés par quelques firmes se partageant le monde.

Cette année nous avons amorcé un travail de création de charte de qualité des spiruliniers français. Notez en passant qu'à l'heure actuelle aucun label ou certification officiels n'existe en spiruline : tout est sur le marché sans aucune distinction.


Enfin, j'estime que la spiruline française a de beaux jours devant elle si :

  • Elle sait communiquer sur sa spécificité
  • Elle n'est pas affichée comme aliment miracle qui guérit tout
  • Elle n'est pas proclamée comme étant la poule aux œufs d'or de l'agriculture industrielle en faillite
  • Le développement des ses cultivateurs se fait dans une juste répartition sur le territoire, en fonction de la demande réelle.

Alors vous aussi, chers lecteurs, chers consommateurs de spiruline, partagez avec nous une idée responsable du développement des spiruliniers : une production locale pour une consommation locale ! Et n'oubliez pas qu'une production locale et responsable à un coût : charges sociales, niveau de vie, respect de l'environnement. Bien sûr qu'en cherchant bien vous pouvez toujours trouver des spirulines moins chères, mais posez vous les questions : d'où viennent-elles ? Qui travaille ? Dans quelles conditions ? Pour quel revenu ? A qui vont les bénéfices ? Comment sont conduites les cultures ? Quelles sont les techniques de récoltes et de séchage ? Quelle est la qualité du produit fini ? Ouvrez donc la gélule : est-ce vert ? Est-ce bon ? Et au microscope que voit-on ?


Chaque jour nos choix de consommation construisent le monde de demain !



Cédric LELIEVRE
Spirulinier au Chant de l'eau
Président des Spiruliniers de France
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